lundi 5 février 2007

Menu québécois pour la Saint-Valentin - Recette no 3

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Pour dissiper toute confusion sur ce que nous appelons ici, au Québec, le bleuet, il suffit de dire que son nom scientifique est Vaccinium angustifolium ou Vaccinium myrtilloides (encore une airelle - du mot portugais airella - comme l'atoca) et que c'est un fruit différent de la myrtille d'Europe (Vaccinium myrtillus). Les anglophones nord-américains l'appellent Blueberry. Notre bleuet n'a rien à voir non plus avec la centaurée bleue. Par ailleurs, à cause de la très grande présence de ces fruits dans la région du Lac St-Jean, ses habitants sont souvent nommés des «bleuets».
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C'est un petit fruit bleu foncé, mi-sucré, mi-aigre, très légèrement pâteux qui vit dans les tourbières et la taïga et qui était très prisé par les Amérindiens qui le préparaient d'innombrables façons. Cuit avec du maïs durant l'hiver, mangé avec des oeufs de saumon, en gâteau déshydraté ou converti en jus.
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Avec une réputation d'être très utile en médecine, il a fait l'objet de plusieurs études. Antidiarrhéique, anticolibacillaire, selon le dr Jean Valnet, il serait apte, comme l'atoca, à soigner la cystite provoquée par la présence accidentelle de E. coli dans l'appareil urinaire. Il semblerait qu'il pourrait également prévenir la dégénérescence maculaire, affection qui frappe 10 millions d'Américains et qui peut mener à la cécité. La feuille en décoction est réputée avoir une certaine activité antidiabétique, quoique cette dernière soit relativement faible et ne permette pas de se passer d'insuline ou des autres médicaments habituellement prescrits. Elle permettrait, toutefois, d'atténuer les troubles qui accompagnent cette maladie, notamment la rétinite et les angiopathies. Elle augmenterait, en outre, la résistance des capillaires sanguins.
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Source de vitamine C, de potassium, de sodium et de fibres, le bleuet renferme plusieurs acides tels l'acide oxalique, malique et citrique ainsi que des anthocyanides, ces derniers étant responsables de l'efficacité des bleuets à traiter les infections urinaires.
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Le bleuet est fragile. Le laver brièvement, si nécessaire, juste avant de le consommer.
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Enfants, à la saison des bleuets, nous raffolions des Grands-pères aux bleuets (cliquer ici pour la recette). Il serait totalement exclu pour moi d'en manger maintenant. Farine, sucre et bleuets, en quantités pantagruéliques, sont hors de question.
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Je vous propose donc, plutôt, une recette pour des cailles aux bleuets qui vous permettra de découvrir le goût exquis de ce petit fruit.
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Cailles aux bleuets
à défaut de bleuets, vous pouvez utiliser des Cranberries (atocas)
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Ingrédients (pour 4 personnes)

  • 8 cailles prêtes à cuire
  • 2. cuillères à soupe d'huile d'olive
  • 25 g de beurre
  • 1 feuille de sauge fraîche ou 1/4 de cuillère à café de sauge séchée
  • sel marin et poivre fraîchement moulu
  • 2 cuillères à soupe de vin blanc
  • 250 g de bleuets
Méthode
  • Brider les cailles. Faire chauffer l'huile dans une cocotte et y ajouter le beurre. Faire dorer les cailles de toutes parts à feu moyen. Ajouter la sauge, le sel, le poivre et le vin blanc. Couvrir hermétiquement et laisser cuire pendant 30 minutes à feu très doux.
  • Après 30 minutes de cuisson, rincer les bleuets, ajouter aux cailles et laisser cuire encore 10 minutes.
  • Lorsque la cuisson est achevée, déposer les cailles sur un plat de service chaud après les avoir débridées et les arroser du jus de cuisson.

Deuxième coeur

Comme il arrive souvent dans la vie, j'ai mieux connu mon père après qu'il fut décédé. Homme grand, élancé, d'allure racée, il était peu loquace. Sa fleur préférée était le pavot rouge et, dans notre jardin, à tous les printemps, elle fleurit à profusion.


Je me souviens du jour à Lisbonne où, allant chercher ma soeur à l'aéroport, elle s'assit dans la voiture en me tendant un petit sac qui contenait un flacon de parfum transparent dont le bouchon était orné d'un pavot rouge. Instantanément, j'ai pensé : Tiens, Papa est là. Et nous sommes parties faire, toutes les deux, un bout de voyage merveilleux au Portugal, tout comme mon père nous l'aurait fait faire, tout comme il l'avait fait plusieurs fois en France quand il était vivant.
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Maintenant, il m'arrive souvent de trouver fortuitement sur le sol, aux alentours du Jour du Souvenir, ces petites fleurs rouges en feutre que l'on arbore pour commémorer les anciens combattants. À chaque fois, je souris en me redisant. Tiens, Papa est là.
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J'ai commencé à comprendre qui était mon père et quel était son code d'honneur - car s'il est un mot qui le définit bien c'est celui-là, honneur - en voyant le film Un hussard sur le toit, d'après le roman de Jean Giono. Tout comme Angelo, mon père était officier dans un régiment de hussards dont la devise était Honi soit qui mal y pense, la même que celle de l'Ordre de la Jarretière créée par Édouard III. Papa était éclaireur et, par le jeu du destin, il avait été retenu en Angleterre le 6 juin 1944, jour de débarquement en Normandie. Quand il débarqua, le lendemain, il dut passer par Caen. De ces années de guerre, rien ne fut jamais dit sauf de dire qu'il n'en parlerait jamais. Et jamais, bien qu'il fut en Europe maintes fois après la guerre, jamais n'a-t-il voulu remettre les pieds en Normandie, en Belgique, en Hollande ou en Allemagne.
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Comment un homme sensible, bon et droit, ayant vécu l'horreur et l'enfer que fut la seconde guerre mondiale, a-t-il pu vivre sa vie auprès de nous sans jamais trahir le serment qu'il s'était fait de nous protéger de ce cauchemar? Il n'en a tenu qu'à son sens de l'honneur et à sa très grande pudeur.
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Papa s'est éteint un 6 juin, quarante-cinq ans plus tard. Ce 6 juin 1944, le destin lui avait accordé un sursis et il l'utilisa pour revenir épouser la femme qu'il aimait, qui l'avait attendu patiemment durant toutes ces longues années de guerre, et pour fonder une famille qu'il a chéri et servi loyalement.
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Souvent quand nous, les enfants, étions impossibles et nous querellions, un soupçon de frustration s'éveillait en lui et il nous disait, sur un ton exaspéré : Mais Bon Dieu! Ne pouvez-vous donc pas vous entendre? Nous avons tout pour être heureux!
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Ni mon grand-père, ni mon père n'étaient des hommes qui se livraient facilement. Ils avaient, tous les deux, une pudeur et une réserve qui traduisaient leur sens de l'honneur et du respect de tous et de tout. Jamais n'auraient-ils été grossiers envers qui que ce soit et tout écart à cette règle était reçu dans un silence qui en disait long. Malgré l'infirmité et la douleur physique, et malgré la douleur morale, ni l'un, ni l'autre n'ont jamais sombré dans le cynisme qui aurait été la trahison suprême de ce qui les caractérisait le plus, leur force morale.
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Le jour du départ de ma soeur, avant de quitter le Castelo de Palmela, nous sommes entrées dans la chapelle. J'en suis ressortie sachant que si jamais je venais vivre au Portugal, je pourrais toujours le retrouver là, dans cette chapelle de Saint-Jacques, patron des chevaliers de l'Ordre de la Jarretière.
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Tapisserie de Portalegre, Pousada de Palmela
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If ye break faith with us who die
We shall not sleep, though poppies grow
In fields of Flanders

8 commentaires:

Gracianne a dit...

La recette est belle, l'evocation du papa (et celle du grand-pere) aussi. Dommage que nous n'ayions pas de bleuets ici pour l'essayer, peut-etre un jour avec des myrtilles.

Anonyme a dit...

Cette recette convient également aux atocas (cranberries). Le goût de fruit acidulé est alors plus prononcé.
Étonnant que les bleuets ne soient pas exportés, surgelés ou secs.

Anonyme a dit...

MMai, oui, les myrtilles de nos Pyrénées, si proches,
devraient être à la hauteur des "bleuets" quebecois !!

Anonyme a dit...

Horreur, deux MM et pas de s à mais , ce n'est pas au mois
de mai que l'on ramasse des myrtilles.

Elvira a dit...

Nous portons le même parfum, je vois! ;-)

Anonyme a dit...

Pas facile d'écrire sur les gens que l'on aime. Tu le fais bien.

Anonyme a dit...

J'ai du retard de lecture ... mais c'est parce que je déguste. Je pense comme mijo que tu écris si bien sur les hommes (jusqu'à présent) de ta famille que j'ai presque l'impression de les avoir rencontrés quelque part.
Les vertus médécinales des bleuets me paraissent très proches de celles de nos myrtilles, surnommées "casse-lunettes".
Merci pour les 2 cadeaux reçus dans ma boîte aujourd'hui et à très bientôt.

Anonyme a dit...

J'étais sous l'impression que c'était la centaurée, la casse-lunette. Non? Les propriétés des myrtilles ressemblent à celle des bleuets (fruits) - même famille oblige.